Lettre ouverte qui s’est inspirée de l'encyclique du Pape "Laudate si" pour le Ministre des Mines de Madagascar

LETTRE OUVERTE


À Monsieur le Ministre des mines et des ressources stratégiques

OBJET : Pour un partage équitable des richesses minérales de chaque territoire en vue d’un
développement durable et stable


Je ne suis pas un spécialiste mais un pauvre pasteur qui veut servir le peuple et souhaite fortement
que ce dernier puisse vivre pleinement son humanité. Homme de terrain parcourant des lieux où même
une voiture ne peut pas passer, je me permets de vous écrire ces quelques lignes qui sont un cri de
détresse avant la « fin » de mon peuple bien-aimé : cri de de la terre, cri des pauvres, souligne le Pape dans
sa dernière encyclique Laudato sì’ : « Ces situations provoquent les gémissements de soeur terre, qui se
joignent au gémissement des abandonnés du monde, dans une clameur exigeant de nous une autre
direction » (n° 53). Le Pape y interpelle notamment tous les baptisés : « Un chrétien qui ne protège pas la
création, qui ne la fait pas croître, est un chrétien qui n’accorde pas d’importance à l’oeuvre de Dieu, cette
oeuvre née de l’amour de Dieu pour nous » (n° 64 et 217).
Au préalable, j’aimerais apporter une précision pour lever toute ambiguïté et prévenir toute
polémique. C’est en mon nom propre, en tant que chrétien et citoyen épris de justice et d’écologie, que
j’écris cette lettre. J’en endosse toute la responsabilité. Car ce que souligne le Pape dans Laudate sì’
m’interpelle fortement : « Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie
approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les
discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (n°
49).
Madagascar, l’un des pays les plus pauvres de la planète, est devenu un nouvel eldorado des
grandes compagnies minières internationales, toujours en quête de nouvelles ressources afin de satisfaire
les besoins croissants du monde contemporain. Le sous-sol malagasy regorge de ressources minières :
pierres précieuses et d’ornementation, gemmes et minerais industriels, chromite, mica, graphite, zircon,
ilménite, nickel, cobalt, fer, titane, uranium, cuivre, or, charbon, calcaire, gypse, quartz de fonte et piézoélectrique,
etc. Plus récemment connus, sont évoqués les diamants dans certaines régions, le pétrole et le
gaz dans le canal de Mozambique, et les terres rares dans notre région d’Ampasimanjava, sans oublier le
vieux gisement d’or de Betsiaka à côté d’Ambilombe… Aussi parle-t-on beaucoup, du moins à travers les
médias, de code minier et de code pétrolier. On annonce même qu’ils seront votés et promulgués très
bientôt.
Ma question est donc : n’est-il pas possible de faire en sorte que les Malagasy autochtones de
chaque région profitent de toutes ces richesses, équitablement avec les puissances étrangères ?
Avant la rentrée précédente scolaire, en juillet 2014, en tant que Président de la Commission
épiscopale pour l’enseignement et pour l’éducation catholique, j’ai écrit une lettre pour aider les parents
d’élèves et surtout les élèves et les étudiants des écoles, collèges, lycées, centre, instituts, universités
catholiques, etc. : « Harena ny harena raha mamokatra ary mamokatra ho an’ny be sy ny maro » (la
richesse n’est une richesse que si elle est productive pour tous, pour le bien commun). Des associations
internationales comme Voarabe pour Madagascar, Mosaic Madagascar, etc., ont répondu à notre appel.
Elles m’ont présenté leurs programmes, qui ont pour but de « faire des Malagasy des propriétaires,
participants directs aux activités minières de leur territoire, pouvant donc tirer profit de ces richesses ». Il y
a aussi le projet Taratra de la Commission sociale de la Conférence épiscopale qui travaille étroitement
avec la CEEEC pour l’éducation des citoyens et la Commission épiscopale Justice et Paix.
L’objectif est de rendre l’activité économique engendrée par le secteur extractif compatible avec la
redistribution équitable des richesses entre compagnies exploitantes, territoires, exploitations, populations
et générations futures. Le moment ne serait-il pas venu de se donner la main pour faire profiter
équitablement tous les Malagasy de leurs ressources, tout en les partageant équitablement avec les
investisseurs internationaux ? Cela exige un changement de mentalité et de comportement pour en
préserver les fruits et en faire bénéficier tout le monde. C’est pour cela que l’éducation tient une place
importante dans ce processus, afin qu’aucune génération ne soit « victime » ou mise à l’écart.
Ny olona no harena lehibe indrindra (l’homme est la richesse des richesses). Dans Redemptor
hominis, le pape saint Jean-Paul II souligne que l’homme est le premier chemin de l’Église. Il est le chemin
de tout développement authentique. Madagascar ne manque pas d’hommes et de femmes patriotes, prêts
à faire progresser cette belle île bénie de Dieu. Ce sont les trois T que nous rappelle souvent le Président :
Tena Tia Tanindrazana (discours à Ivato), mais qui demandent à être concrétisés dans le quotidien des
gens… Je vous invite ainsi, vous qui êtes actuellement responsables, à considérer et à soutenir toutes ces
actions qui vont dans le sens du développement social et solidaire du secteur minier de Madagascar. Et je
rappelle aux entreprises internationales qu’il existe des procédures qui permettent de faire profiter
équitablement tous ceux qui sont concernés par ces richesses : c’est ce que nous souhaitons pour notre
pays.
Je conclus en implorant la bénédiction de Dieu sur vous, les responsables de notre nation, et sur vos
familles. Que la Sainte Vierge, première Patronne, et Saint Vincent de Paul intercèdent pour que le peuple
vive dans la paix et que le développement pour le bien de tous puisse aller de l’avant. Sur cette terre bénie
de Dieu, nous sommes unis comme une seule famille, OLO ARAIKY SIKA JIABY, « Maison commune »
souligne le Pape dans son Encyclique.
Veuillez agréer Mr le Ministre, mes sentiments les plus respectueux dans le Christ et je compte sur
votre compréhension et votre souci de travailler efficacement au développement intégral de la population
de notre pays.

+ Ramaroson Benjamin Marc, c.m.
Archevevêque d’Antsiranana

 

Hametraka hevitra

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